31 mars 2020
15 ème jour. Je tombe sur ce texte d’Hannah Arendt qui m’aide à mettre des mots sur un état émotionnel confus, qui m’aide à distinguer solitude contrainte et solitude créatrice. La première tend vers l’isolement ou l’esseulement, la seconde procède du désir.
Il n’existe pas à ma connaissance d’expression pour exprimer la solitude souhaitée. Dans l’affirmation « je me sens seul », il est possible d’entendre le mouvement de l’isolement, du laisser seul. La solitude désirée pour elle-même, comme une réponse à un besoin psychique, correspond à un état positif dans lequel je fais l’expérience authentique du dialogue intérieur, dans une distance féconde entre soi et soi, au coeur duquel j’entretiens un commerce d’amitié et d’estime avec moi-même et … cet autre moi-même. Une conversation solitaire est souvent le point de départ d’une relation authentique avec les autres et d’une ouverture sur la pluralité du monde. Cette forme de solitude existentielle se retrouve certainement dans les fondations de nos liens les plus forts (amoureux, amicaux, fraternels, familiaux …). Sans faire l’éloge de l’égoïsme, le soin que je porte à me tenir en bonne compagnie avec moi-même renforce la qualité de la relation et de la présence aux autres.
Solitudo signifie à l’origine lieu désert. Pour celui qui a osé le traverser, le désert est source. Dans une période de crise, nous sommes comme appelés à dépasser la solitude contrainte - désoeuvrante en tant que telle -, pour nous ré-acheminer vers notre espace intérieur ouvert, pour mieux habiter son espace, son temps, ses relations. Une solitude créatrice, synonyme d’épanouissement de soi au monde. Paradoxale distance qui éloigne moins qu’elle engage chacun de nous dans cet élément vital : la relation.